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Sauver la relation et la langue de Molière

En passe de faire bientôt partie de la catégorie des « vieux », je me dois d’écrire sur ce sujet de la relation intergénérationnelle. Car, au fil des cheveux blancs, je vois se profiler un fossé de plus en plus large et profond entre moi et la jeunesse. Je m’explique.

 

Avez-vous remarqué que les jeunes utilisent de plus en plus d’anglicismes ou de contractions de mots pour s’exprimer ? Mis à part le fait de mettre à mal notre si belle langue française, riche en vocabulaire, en nuances et en syntaxe comme aucune autre – Oui, j’ai mal pour elle ! – voilà que les jeunes se mettent à parler en langage codé, qu’eux seuls comprennent. « J’exagère ! » direz-vous. Peut-être un peu. Il n’en est pas moins vrai qu’il est de plus en plus difficile de les comprendre. Même les institutions s’en mettent et à cœur joie à utiliser des termes le plus souvent informatiques, pour tout et n’importe quoi, tels que cluster, booster, driver, briefer et tant d’autres, alors que les mots français existent ! Quelle misère !

 

C’est à notre génération de s’adapter ? Soit, alors arrêtons les conversations pour demander :

        - Excuse-moi, ça veut dire quoi « Spaiss » ?

         - C’est « spécial ».

         - Ah ok ! Et « Véner » ?

        - Enervé

        - Ah ! Et « slide » ?

       - Diapo ou diapositive »

        Et …

 

Entre nous, Je suis prête à faire tous les efforts du monde pour comprendre et être comprise. Mais, je me pose une question. Si la langue est notre identité – il n’y a qu’à voir la souffrance d’un créole ne maîtrisant que son patois, quand on lui demande de parler français –, cela veut-il dire que les jeunes ont leur identité propre, différente de celle des autres générations ? De tout temps, les jeunes cultivent la différence, tant dans la mode, la musique, que dans le langage.

 

De mon temps, le verlan faisait fureur, mais en présence des plus âgés, je n’avais que le choix de parler une langue reconnue de tous, celle de mes parents, celle des mes professeurs et même celle des livres, car je trouvais amusant d’apprendre de nouveaux mots aux autres. Parler de manière compréhensible était une question d’éducation, avant tout ! Je n’ose imaginer la réaction de mon père, si je lui avais parlé en « Djeunss ».

 

Mettons de côté le fait que la culture se perd, que les enfants et les jeunes maîtrisent de moins en moins la langue écrite et même orale, mais n’y a-t-il pas un problème plus grave sous-jacent ? La relation entre générations en prend un sacré coup, je vous le dis ! Les jeunes réalisent-ils qu’ils s’enferment dans leur monde au langage codé ? Bientôt, il faudra inventer un décodeur « Djeunss/Français ». Même les trentenaires s’y mettent, comme pour entrer dans le « moov » et être dans le coup ! Quand les jeunes se regroupent, au milieu d’un groupe plus large, – rien d’étonnant à cela – déjà, nous les vieux, ou futurs vieux, avons du mal à les comprendre, n’en parlons plus à prendre part à la conversation ! Car, la question est bien là ! Tout serait-il fait pour briser la communion fraternelle intergénérationnelle ?

 

N’oublions pas les desseins du diable, qui est aussi le diviseur ! Ne le voyons-nous pas agir ces derniers temps ? Tout est mis en œuvre pour nous séparer les uns des autres. Bientôt, nous serons dans l’obligation de vivre cloîtrés derrière des écrans. Même en famille, chacun sera isolé, sans câlins ni bisous, espacés d’une longueur de deux bras ! Ne croyez pas que cela date d’aujourd’hui. Cela remonte à bien plus longtemps. Rappelez-vous la mode des constructions où les chambres sont devenues des petits appartements indépendants dotés de toutes les commodités (wc, salle d’eau, télé, console, …). C’était juste pour une question de confort ? Puis celle de l’ordinateur portable, de la téléphonie mobile, de l’Internet, de la domotique ? Encore pour la praticité ? Pas seulement ! Certaines de ces inventions ont du bon, mais toutes nous séparent de plus en plus. La vie plus facile signifie l’isolement, l’absence de liens physiques et affectifs, l’égoïsme ou la non-solidarité, l’égocentrisme et la séparation, inexorablement.

 

Pour en revenir au langage, je refuse de me sentir étrangère à la vie des mes petits-enfants parce que je ne les comprends plus et qu’un jour je me lasserais de tout faire traduire. Je refuse de ne pas comprendre les jeunes, dont j’ai pris soin enfants, parce que je les aime.

 

 

Par pitié aussi pour la langue de Molière et surtout pour leur culture générale, parents, apprenez à vos enfants à s’exprimer correctement, ce qui veut dire de manière à être compris (même en créole si richement imagé) ! Parler plusieurs langues ou patois est une richesse. Et surtout, de grâce, apprenez-leur à avoir du respect pour les plus âgés, en parlant de manière à être compris de tous, dans les circonstances où ils ne sont pas exclusivement entre eux. Ne laissons pas l’ennemi séparer nos générations. Subrepticement, il nous impose de vivre dans l’indépendance et l’isolement. Ouvrons nos yeux et entrons en guerre contre ses sabotages de la relation familiale et sociale. Que le Seigneur nous aide à nous aimer et à prendre soin de notre famille, selon Son cœur et Sa Parole !

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